Les enquêtes de l’ULCC bafouées par une justice moribonde et partisane

L’Unité de Lutte Contre la Corruption a vingt (20) ans cette année. Depuis sa création en 2004, l’ULCC a conduit des enquêtes aboutissant à la transmission de 94 rapports aux autorités judiciaires (août 2024). Fait surprenant, une seule condamnation a été prononcée. Ce qui implique que la lutte contre les pratiques corruptrices au sein de l’administration publique n’est pas une sinécure.
Dans l’intervalle, même si la détermination de l’actuel Directeur général de l’ULCC Hans Ludwig Joseph à combattre la corruption est, du moins en apparence, sans faille, ce fléau semble avoir encore de beaux jours devant lui.
Ajoutés aux 94 rapports transmis à la justice au cours des deux décennies marquant son existence, l’Unité de Lutte Contre la Corruption en a acheminé, en date du 3 septembre 2024, sept (7) autres. Vu le mauvais état de l’appareil judicaire, frappé comme presque toutes les institutions par l’insécurité généralisée, le doute est permis quant au suivi à effectuer en ce qui concerne ces dossiers allant du défaut de la déclaration de patrimoine, jusqu’au siphonage des maigres ressources de l’Etat.
Qui pis est, en dépit des faits avérés de corruptions dont certains ‘’serviteurs de l’Etat’’ ont été reprochés, les autorités judiciaires n’arrivent toujours pas à donner l’exemple de fermeté et de rigueur quand il s’agit de sévir contre les coupables ou présumés innocents.
Deux faits récents retiennent l’attention et marquent les esprits. En date du mardi 5 avril 2023, Edwine Tonton, alors Directrice de la Caisse d’Assistance Sociale (CAS), a été arrêtée à l’issue de son audition par le juge instructeur, Jean Wilner Morin. En effet, à la suite d’un rapport d’enquête de l’Unité de Lutte Contre la Corruption, Mme Tonton allait être accusée de détournement de biens publics, prise illégale d’intérêt, complicité de faux et usage de faux, trafic d’influence, enrichissement illicite, association de malfaiteurs.
A la stupéfaction quasi générale, elle a été libérée, le 21 août 2024, pour des raisons humanitaires. Même scénario pour l’ancien député Cholzer Chancy. Ecroué au pénitencier national le 22 janvier 2024 sur ordre du juge Al Duniel Dimanche, pour détournement de biens publics au Centre National des Equipements (CNE), l’ancien président et ancien questeur de la Chambre basse allait bénéficier d’une main levée d’écrou, suivant l’article 80 du Code d’instruction criminelle.
Toujours pour cause humanitaire. Même si ces deux libérations avaient choqué tout le monde ou presque, les organismes de défense des Droits humains, toujours prêts à enfiler leur costume d’avant-gardiste, s’étaient tu sur la question. D’ailleurs, un influent défenseur des Droits de l’homme s’était même converti en ‘’avocat’’ de l’ex-parlementaire, allant jusqu’à juger son arrestation illégale.
Autant dire que la lutte contre ce phénomène qui freine le développement réel d’Haïti semble être bloquée par ceux-là même qui se donnent, en apparence, l’autorité de la mener.
Et pour cause, selon le dernier rapport de l’organisation Transparency International (30 janvier 2024), Haïti est le huitième pays le plus corrompu au monde sur 180 pays avec un score de 17/100, selon un indice de perception de la corruption développé par l’Université de Passau en 1995. Avec une impunité généralisée et un manque total d’indépendance du système judiciaire, ceci représente le score le plus bas de la région.