Carole Demesmin, une voix pour la Révolution

Carole Demesmin, une voix pour la Révolution
In extenso

Elle est « la voix de l’Haïti profonde ». C’est peu dire de cette immense artiste en majuscule qui a fait de son engagement un véritable culte. Déjà près d’un demi-siècle de carrière (son premier album Mawoule est sorti en 1978), ses chansons engagées qui racontent Haïti sous toutes les coutures n’ont pas pris une ride… Ce Mapou pour qui le temps n’existe pas, n’a pas d’âge. 

« Que je suis en compagnie des enfants, je suis un enfant, quand je côtoie des vieillards, je suis une vieille femme… Le temps est une invention des hommes », répond Carole Demesmin, d’un ton aussi ferme que plaisant, à la question franche et directe ‘’quelle âge avez-vous ?’’. 

Puisqu’à l’évidence les causes de nos malheurs sont pareilles aux mythes, entendez par là qu’elles ont la vie dure, les chansons de celle qui a pendant très longtemps porté la belle et heureuse étiquette de « Voix des sans voix », notamment ses chefs-d’œuvre musicaux qui insufflaient de l’espoir à la génération tourmentée, désespérée et meurtrie des années 80, n’ont rien perdu de leur actualité au XXIème siècle. La vie et l’œuvre de Carole Demesmin qui, partout et toujours revendique son haïtianité, nous apprennent une leçon vitale d’importance cardinale : « Par sa liberté et selon ses amours, l’homme fait gagner ou perdre de la valeur à l’univers ».

« Les valeurs qui font de moi ce que je suis aujourd’hui sont nombreuses. D’abord, l’Education que j’ai reçue de mon père et de ma mère, de mes voisins et de ma famille. Cette Education m’a permis de rencontrer sur mon chemin d’autres gens qui ont ajouté leurs pierres à cette fondation. Je suis donc le produit d’un monde pluriel : artistique, spirituel, social. Grâce à mes expériences, j’ai la sagesse de savoir accepter, de savoir endurer, de savoir vivre avec les autres… », affirme cette voix qui n’avait de cesse de faire l’injonction de « Tounen Lakay » aux jeunes haïtiens que l’instinct de survie transbahute en terre étrangère. 

La native de la Cité de la reine Anacaona a tout fait par sa voix, par sa plume, par ses engagements sociaux, pour redonner définitivement à la première République noire une grandeur ancestrale perdue dans les vilenies, les impérities et les palinodies de nos dirigeants qui ne peuvent même pas guider leurs propres pas, titubant ainsi dans la grande marche de l’Histoire. Hélas ! 

« Je suis une artiste, une Haïtienne native natale. Je n’ai jamais changé de nationalité en dépit des offres qui m’ont été faites plus d’une fois. J’ai tenu à rester une Haïtienne, car j’ai toujours cru qu’Haïti est une terre de fierté et je tiens à être du nombre de ceux et celles qui font sa valeur », affirme, en hurlant presque, cette grande voix de la musique contemporaine haïtienne. 

À mesure que l’on furète dans l’histoire de cette femme qui fait délibérément de son âge un mystère, non par marronnage mais par sentiment d’égalité vis-à-vis de tous, petits ou grands, on commence à comprendre sa passion pour cet Art majeur, la Musique.

Destin choisi…

Le dieu de la musique n’a pas attendu que Carole passe l’âge de la puberté pour épouser son âme d’enfant. Celle dont le père se prénomme Mozart, comme le grand magicien germano-autrichien de la musique classique, Wolfgang Amadeus, a commencé à chanter très tôt. En effet, la Léogânaise n’a que treize (13) ans quand elle rejoint Les Trouvères de Léogâne, groupe musical qui faisait danser la Cité de la reine Anacaona à l’époque. 

Puisque son âge est aussi mystérieux que la pierre philosophale, contentons-nous de dire : de l’année de ses treize (13) ans à aujourd’hui, ce Tambour-major de la Culture haïtienne qui compte cinq disques à son répertoire a parcouru du chemin… Le génie musical de Carole s’explique par une parfaite combinaison de talents innés et d’expériences acquises. 

En fait, partie pour les États-Unis sur ordre de ses parents pour poursuivre ses études en 1970, elle a rencontré là-bas ceux qui allaient marquer profondément sa vie. Parmi ceux qui ont fait passer « l’Art demesmin » du clair-obscur à la lumière, citons : l’immense compositeur Jean-Claude Martineau dit Koralen, Paula Clermont Péan, Rodney Georges, Gerdès Fleurant…

Après tout…, la tristesse

Cette mambo, gardienne de la tradition vodou, femme à la quadruple passion (Haïti, le vodou haïtien, la musique, la peinture), qui vit entre les États-Unis et la Belgique mais dont le cœur bat en Haïti, est triste. Triste à l’image de son pays déjeté, où les « Ti sous » des querelles séculaires paraissent intarissables. 

Oui ! Carole Demesmin ne peut qu’être triste puisque ses frères et sœurs haïtiens préfèrent aujourd’hui encore déambuler, sans vergognes, « Sou chimen pèdi tan », au lieu de « se réconcilier avec leur identité et avec la vérité cachée dans leur passé… » 

En tout cas, l’amertume, l’angoisse existentielle, l’affliction…, sont le lot de la célibataire (qui était pourtant mariée à Michel Arty), qui, de ses deux fils, a perdu l’aîné à l’âge de 38 ans… Autant dire que malgré tout, elle ne désespère pas…  

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