Expansion des médias en ligne: préoccupés, trois journalistes professionnels opinent

Le monde contemporain ne cesse d’être confronté aux enjeux de l’information de masse. « Fake news », « intox », « post-vérité » …, les réseaux sociaux imprègnent aujourd’hui tous les aspects de notre vie en société, allant jusqu’à influencer nos choix et comportements.
En Haïti, comme c’est le cas de presque tous les pays, les médias traditionnels sont mis à mal, faisant ainsi face à plus d’exigences notamment dans la diffusion d’informations. Ceci s’explique par le fait qu’ils sont, dans une large mesure, tributaires des médias en ligne par exemple, qui donnent l’impression vraie ou fausse de les supplanter tant dans la collecte que dans la communication des informations «à chaud».
Invités à donner leur point de vue sur la question, les journalistes Hérold Jean-François, Jacques Desrosiers et Marie Raphaëlle ont tous admis que le journaliste haïtien se doit, dans ce contexte, de faire preuve en tout temps de « Vigilance professionnelle ».
En effet, le Président-directeur-général de Radio Ibo, a fait le constat que depuis de nombreuses années déjà, les médias sont confrontés à cette réalité des réseaux sociaux qui font d’importants dégâts dans la manière de divulguer les “nouvelles” dont un trop important pourcentage est classé “fake news”. « On ne peut pas d’ailleurs se référer aux “fake news” sans associer les médias sociaux qui sont à l’origine du phénomène. Alors que ces plateformes font tout le tort que nous connaissons, trop souvent on impute des diffusions de nouvelles émanant d’elles aux médias traditionnels, ce qui affecte la crédibilité de la presse responsable », déplore Hérold Jean-François.
A partir de ce constat, l’auteur du livre Citoyenneté et Etat de droit en Haïti croit que la presse professionnelle doit redoubler de rigueur pour éviter de se référer au contenu non vérifié en général des médias sociaux qui ne se donnent pas les contraintes de la vérification basique des informations ; s’astreindre à surveiller au respect des normes régissant les médias, pour éviter de tomber dans la réalité des démentis et entretenir la confusion entre réseaux sociaux et la presse professionnelle.
« La presse doit faire en sorte qu’elle soit toujours la bonne référence, l’endroit incontournable de la vérification et de l’authentification des informations en général. Nous devons renforcer la confiance de l’opinion publique dans la presse professionnelle pour demeurer la bonne source de l’information », conseille-t-il, ajoutant que de cette posture dépend la survie des médias conventionnels.
« Je commence par prendre le contre-pied du discours faisant croire que les réseaux sociaux remplaceront dans très peu de temps les médias conventionnels », déclare Marie Raphaëlle Pierre d’un ton tranchant. Se disant consciente qu’il y a une expansion croissante des médias sociaux et aussi un accès plus facile à internet, la Directrice à l’Information de Radio Ibo estime, cependant que, le débat sur les contenus diffusés, sur les propriétaires, les gestionnaires des médias en ligne, sur ceux qui ont accès à internet et qui diffusent des informations est bien réel. « Ce que j’appelle le grand désordre sans frein qui se fait dans le secteur de la presse notamment au niveau des réseaux sociaux est à l’origine de ce débat qui remet en question la mission des médias sociaux, la responsabilité des médias sociaux dans le rôle d’informer, d’éduquer et de divertir », explique la voix féminine de l’émission Point du jour.
« Haïti est un pays oral. Sur cette base, la Radio restera le medium le plus populaire. Étant donné que la plupart des Haïtiens n’ont pas accès à Internet et ne l’auront pas dans les années à venir, je suis convaincue que la Radio demeurera le medium le plus populaire. Les réseaux sociaux ne pourront pas remplacer les médias conventionnels à savoir la presse, la Radio et la télévision », prédit MRP.
Pour Jacques Desrosiers, les médias sociaux participent de l’évolution des médias conventionnels (presse, Radio, télévision) et permettent une diffusion beaucoup plus rapide de l’information. Ceci étant dit, pour le Secrétaire général de l’Association des Journalistes Haïtiens (AJH), loin de s’inquiéter de l’expansion croissante de médias socionumériques, les traditionnels doivent s’y harmoniser pour de plus larges résultats.
Retraçant succinctement l’évolution de la Radio et de la télévision de manière diachronique, qui sont passées respectivement de AM (modulation d’amplitude) à FM (modulation de fréquence), de UHF (ultra haute fréquence) à HDMI (High-Definition Multimedia Interface), JD insiste que les médias sociaux ne constituent guère une menace, mais un outil dont disposent les journalistes pour, par exemple, interagir en temps réel avec le public.
En tout cas, pour Hérold Jean-François, c’est la rigueur toute professionnelle de la presse conventionnelle qui garantira sa préséance et sa permanence face à la réalité des réseaux sociaux.
De l’avis de Marie Raphaëlle Pierre, il revient à la corporation des journalistes d’agir pour corriger les dérives constatées aussi dans les médias conventionnels pour empêcher le déclin total de la presse haïtienne. Se gardant de poser la primauté du média traditionnel sur la presse en ligne, Jacques Desrosiers plaide haut et fort en faveur d’une synchronisation des deux, parce que celle-ci permet à celui-là d’aller plus loin en matière de transmission d’information, d’éducation et/ou de divertissement.