Les sanctions internationales annoncent-elles la fin d’un cycle?

Des sanctions internationales (Etats-Unis/Canada/ONU) qui frappent nos politiciens et nos hommes d’affaires pour leur « implication active » dans l’alimentation de l’insécurité dans le pays, dans des actes de corruption entre autres, faut-il s’en réjouir ou s’en désoler ? En tout cas, le dernier document onusien mis en circulation le mercredi 18 octobre 2023 au soir, à savoir la Lettre du 15 septembre 2023, adressée au Conseil de sécurité par le Groupe d’experts créé par la résolution 2653 (2022) dudit Conseil, est un témoignage cinglant de nos malheurs actuels scrutés dans leurs racines.
De la répartition des gangs armés, en passant par le trafic d’armes, le détournement des fonds PetroCaribe et des recettes douanières, pour aboutir aux violations systématiques et systémiques des droits humains, le document de 158 pages de l’Organisation des Nations Unies dépeint l’enfer sciemment et inhumainement créé par des Haïtiens pour des Haïtiens.
Cette Lettre du Groupe d’experts, qui peut être considérée comme un avant-goût amer du rapport de l’ONU dont la divulgation pourrait avoir lieu en novembre prochain, confirme la responsabilité pleine et entière de ce qu’on pourrait appeler, improprement peut-être, des élites politiques et économiques dans le chaos sans nom qui définit notre quotidien. Pour simplifier ce document onusien écrit en petits caractères aptes à décourager les non-initiés, disons, en des termes interprétatifs clairs et sans équivoque, que : quand Izo et sa bande tirent sur un bus rempli de civils innocents traversant Martissant, le vrai responsable de l’acte odieux n’est autre que Michel Joseph Martelly, l’homme à qui l’histoire, dans sa folie cynique ou dans son insondable sagesse, a fait honneur de devenir président de la République d’Haïti.
Quand, dans le département de l’Artibonite un camion de marchandises appartenant à des misérables Madan Sara est détourné par les bandes armées « Gran grif » ou « Kokorat san ras », cette ignominie porte directement l’empreinte de l’ancien membre de l’Assemblée des sages, Youri Latortue, ou de l’ancien élu du peuple Victor Prophane. Aussi faut-il mettre sur le compte de l’homme d’affaires Reynold Deeb, lui aussi financeur des caïds, la mort par balles perdues, par exemple, d’un paisible citoyen riche de son seul anonymat. La liste des bâtisseurs de peines et de misères est longue… Voyez-vous, la fatalité n’est pas l’ennemie d’Haïti ! Ses fossoyeurs viennent des plus hautes sphères.

Parlant des plus hautes sphères où trônent les démons qui nous tuent, nous volent, nous violent et nous kidnappent, il est de bon ton de questionner l’autre face de la réalité : que cachent les sanctions étasuniennes, canadiennes, onusiennes ? Sonnent-elles définitivement le glas d’une spirale infernale ?
Mettent-elles fin une bonne fois pour toute au jeu de poker menteur qui dure en Haïti plus d’une trentaine d’années depuis le virage vers la démocratie ? Plus clairement : la Communauté internationale veut-elle en finir avec cette classe politique traditionnelle rétrograde et ce secteur économique sclérosé ? Ces questions sont d’autant plus légitimes qu’Haïti a été indéniablement frappée dans ses fondements républicains, dans ses parties les plus vitales : politique et économique. Nakba ! diraient les Palestiniens.
Tout compte fait, il ne reste plus rien de notre crétinisante démocratie caricaturale, sinon que des hommes et des femmes portant titre de Ministre, mais fonctionnant dans la peur secrète que leurs noms ne soient mis sur la prochaine liste des « Sanctionnés ». Dans la foulée des interrogations, d’autres se superposent : en mettant K-O les géants du système politico-économique haïtien, la Communauté internationale a-t-elle un plan ? Avec un plan bâti pour les Haïtiens, mais sans les Haïtiens, ne risquons-nous pas de tomber de Charybde en Scylla ? Une affaire à suivre…
