Piégés dans leur pays et chassés à l’étranger, des Haïtiens côtoient l’enfer

Piégés dans leur pays et chassés à l’étranger, des Haïtiens côtoient l’enfer

Comme les ‘’damnés de la terre’’, des Haïtiens sont humiliés, traqués, menacés en République dominicaine, aux Etats-Unis et dans certains autres pays. Les ‘’Eldorado’’ qui les accueillaient jusqu’ici après avoir fui Haïti pour des raisons diverses (insécurité, chômage, études…) se transforment ou sont en passe de se transformer en un véritable terrain de chasse, où ils deviennent cibles si ce n’est des ‘’pestiférés’’.

De l’autre côté de l’Île de “Kiskeya”, c’est par milliers que nos compatriotes sont jetés dans des bus ou des camions, après avoir été pourchassés comme des bêtes sauvages, pour être expulsés, déportés en Haïti. Et que dire de la République étoilée où ce que des analystes appellent la ‘’purge ethnique’’ annoncée par Donald Trump en campagne présidentielle est déjà à l’œuvre depuis le 21 janvier 2025, soit 24 heures après l’investiture du Républicain. 

Les méthodes sont aussi déshumanisantes que les faits sont parlants. En effet, rien que pour le mois de janvier de cette année, la République dominicaine a déporté en Haïti plus de 31.000 personnes. 31.204 pour être plus précis, selon ce qu’a révélé la Direction générale de l’immigration du pays de Luis Abinader. Des migrants qui ont été expulsés de la République dominicaine vers Haïti ont parlé à l’ONU des défis que représente le retour dans un pays en crise qu’ils connaissent à peine. Dans un article paru le 1er février 2025 sur son site, l’Organisation des nations unies raconte le drame de Mireille (nom d’emprunt), une femme enceinte, qui venait d’être expulsée de la République dominicaine, un pays qu’elle considérait comme son pays d’origine depuis l’âge de huit ans.

Au fil des ans, elle a été témoin de la façon dont Haïti, son pays natal, a été frappé par la violence des gangs ainsi que par des crises humanitaires, politiques et économiques. « J’ai été expulsée vers un pays où je n’avais jamais vécu », a-t-elle déclaré, emplie d’un mélange de colère et de désespoir. La République dominicaine était son pays depuis près de trois décennies. C’est là qu’elle a construit sa vie, noué des relations et créé des souvenirs.

Mais du jour au lendemain, elle est devenue une étrangère, dépouillée de sa dignité et forcée de retourner dans un pays qu’elle ne connaissait pas. Le calvaire de Mireille a commencé aux premières heures du matin, cinq jours avant qu’elle ne traverse la frontière vers Haïti, lorsqu’elle a été emmenée dans un centre de détention surpeuplé et inconfortable, où elle est restée plusieurs jours avant d’être transportée à la frontière.

La situation de Guerson et Roselène (deux noms d’emprunt) n’est pas différente de celle de Mireille. Ils ont passé plus de dix ans en République dominicaine, construisant leur vie à Loma de Cabrera, pas loin du point frontalier de Dajabón. Guerson travaillait comme mécanicien dans un petit garage, réparant des voitures, des motos et du matériel agricole. Ses mains, souvent tachées de graisse, étaient une source de fierté. « Les gens me confiaient leurs véhicules », dit-il. « C’était un travail dur, mais je pouvais subvenir aux besoins de ma famille ».

Roselène, quant à elle, gérait leur modeste foyer. Elle préparait les repas et complétait les revenus familiaux en vendant des pâtés et des bananes frites aux voisins. Leur vie quotidienne était simple mais stable. Leur fils Kenson fréquentait une école maternelle locale et Roselène a parlé de sa fierté de le voir apprendre à écrire son nom.Puis les autorités dominicaines sont arrivées. « Mes enfants n’ont pas compris », a déclaré Guerson. « Kenson a demandé si nous partions en voyage. Je ne savais pas comment lui répondre ». La famille a été parquée dans un camion. « Je tenais mon bébé si fort. J’avais peur que nous ne survivions pas au voyage », se souvient Guerson.

Mireille, Guerson et Roselène ne sont que trois des plus de 200.000 Haïtiens qui ont été rapatriés de force dans leur pays d’origine en 2024, dont 97 % depuis la République dominicaine. 

Chez l’Oncle Sam, des Haïtiens sur le qui-vive… 

Aux Etats-Unis, l’opération anti-migrants lancée par Donald Trump monte en puissance. Dans un article paru sur le site de Radio France Internationale (RFI) le 28 janvier 2025, il a été fait mention que l’agence ICE, qui coordonne le coup de filet massif voulu par la Maison Blanche, a revendiqué plus de 1 179 arrestations en l’espace d’une journée. Des chiffres qui démontrent que le 47ème président des Etats-Unis est déterminé à refaire l’image de l’Amérique sans la présence de criminels étrangers, sans la présence des sans-papiers ou de bénéficiaires de programme en situation irrégulière.

Au lendemain de son investiture, Donald Trump a vite fait d’annuler le CPB One, le Programme ‘’Humanitarian Parole’’ communément appelé ‘’Programme Biden’’ vu par des Haïtiens comme un véritable pain béni. Du coup, les ressortissants de la Première République noire qui vivent aux Etats-Unis sont dans la peur la plus totale, quand s’est effondré l’espoir de ceux qui attendaient que leur application soit approuvée dans le cadre du programme de la ”libération conditionnelle”. 

Face à la montée des raids migratoires sous l’administration Trump, la communauté haïtienne de Springfield, Ohio, s’accroche à la foi et à la solidarité. Entre peur de l’expulsion et incertitude, quant à leur avenir, les Haïtiens cherchent réconfort dans leurs églises et leurs commerces spirituels. Dans un reportage publié en date du 28 janvier 2025, la Associated Press (AP) a rapporté qu’à la fin de son service dominical, le Révérend Réginald Silencieux, pasteur de la première église évangélique haïtienne de Springfield, s’est agenouillé en prière, entouré des membres de sa congrégation. « J’ai demandé à Dieu de protéger mon peuple », a-t-il confié.

Dans un contexte de tensions migratoires exacerbées, sa prière a également inclus le président Donald Trump. « En tant qu’Église, nous avons le devoir de prier pour lui, car il est notre leader politique », a-t-il ajouté. Malgré cette ferveur, certains fidèles ont préféré rester chez eux, craignant les raids fédéraux. D’autres, en quête de réconfort, se sont rendus dans des lieux de culte ou des boutiques spécialisées en produits spirituels. Avec environ 15 000 Haïtiens vivant à Springfield, l’incertitude plane autour du statut de protection temporaire (TPS).

Ce programme, qui leur permet de résider légalement aux États-Unis, pourrait être menacé par des décisions fédérales. « La communauté est en panique », a admis Viles Dorsainvil, responsable d’un centre d’aide communautaire local. Les propos de Dorsainvil traduisent un sentiment partagé : « La majorité des immigrés ici travaillent dur. Un gouvernement rationnel chercherait à collaborer avec eux, plutôt que de les expulser. »

La peur des Haïtiens vivant aux Etats-Unis, bénéficiaires du TPS ou du Programme Biden, est d’autant plus justifiée et légitime que la nouvelle Administration américaine a déjà annoncé, le dimanche 2 février 2025, avoir annulé la prolongation du Statut temporaire dont jouissaient des Vénézuéliens jusqu’un octobre 2026.

Une décision qui met en mauvaise posture plus de 600.000 ressortissants du Venezuela en terre américaine. S’agissant du tour des Haïtiens, ce n’est qu’une affaire de temps, estiment certains. Dans l’intervalle, les nombreux appels d’institutions internationales et de particuliers au respect du droit des migrants aux Etats-Unis tombent dans des oreilles de sourd. Donald Trump, pour son second mandat, est plus que jamais déterminé à atteindre son but ‘’Make America Great Again’’ à tout prix. 

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