Artibonite/Haïti-Insécurité: des familles entières sont en détresse tandis que la police est aux abonnés absents

“Je n’ai plus de force”, se lamente Robert dans une note vocale adressée aux bons samaritains sur les réseaux sociaux. Ce jeune homme cherche à collecter désespérément de l’argent pour faire sortir sa femme et sa sœur de leur lieu de séquestration.
Les deux ont été enlevées comme bien d’autres citoyens dans la localité de Dodart (commune des Verrettes) lors d’une attaque armée perpétrée par les bandits de Savien.
Liancourt, le 5 mars 2023.-
En dépit du versement d’une première rançon, les malfrats n’ont pas libéré les otages et font monter les enchères. Maintenant ils réclament le paiement d’un pactole de 1 million 600 mille dollars américains. Une somme dont Robert n’a jamais entendu parler au par avant.
” A travers ce message vocal, je sollicite l’assistance de tout un chacun pour aider la famille à réunir ce que nous pouvons en vue d’obtenir la libération de ma femme et ma sœur’’ poursuit-il dans sa quête de support car les ravisseurs se montrent intransigeants.
“Mon père est décédé et ma mère est paralysée après avoir été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC)”, confie le trentenaire qui ajoute que, depuis, le stress est à son comble au sein de la famille.
Parallèlement à l’appel lancé sur les réseaux sociaux, les proches des victimes ont entrepris d’autres démarches dans l’espoir d’augmenter leurs chances d’arriver à collecter une partie de cette somme faramineuse exigée par les ravisseurs. Ainsi, un numéro mon cash a été communiqué ainsi qu’une levée de fonds via cash app de manière à recueillir les contributions de ceux qui le peuvent.
L’exaspération de la famille de Robert est caractéristique du niveau de désarroi qui gagne les cœurs et les esprits dans la région du Bas-Artibonite où le climat d’insécurité ne fait que s’aggraver depuis quelque temps et particulièrement suite à l’assassinat de six (6) policiers à Liancourt le 25 janvier 2023.

Commissariats abandonnés : assassinats, enlèvements, viols, vols ponctuent le quotidien des citoyens
En réaction à l’exécution de leurs frères d’armes et par crainte du pire, des policiers ont choisi d’abandonner les commissariats à Liancourt, aux Verrettes, à Desarmes (localité) de Lachapelle et à la Petite Rivière de l’Artibonite notamment, laissant le champ libre aux brigands du gang de Savien qui continue d’étendre ses tentacules dans ces communes où quasi quotidiennement les habitants sont terrorisés
Les populations des localités de Deschapelles et de Desjardins particulièrement vivent au rythme d’assassinats, d’enlèvements, de viols et de vols à mains armées en n’ayant visiblement aucun recours car la panique gagne une forte proportion de l’effectif policier réputé sous équipé et par conséquent inapte à mettre les bandits hors d’état de nuire.
L’institution policière dirigée par Frantz Elbé n’a même pas été capable d’aller récupérer les cadavres des agents tués et humiliés par les assassins.

Fermeture de l’hôpital Albert Schweitzer
Cette situation de terreur instaurée par les gangs a poussé l’hôpital Albert Schweitzer de Deschapelles qui dessert plus de 700 mille personnes dans les départements de l’Artibonite et du Plateau Central à fermer ses portes depuis le 15 février dernier, après 67 ans de service dans la communauté.
Seuls les cas graves sont pris en charge par une cellule d’urgence, ont précisé les responsables au moment d’annoncer la suspension de leurs opérations régulières.
“La situation est compliquée car nous ne pouvons pas nous déplacer par crainte d’être victimes”
Les attaques sporadiques des bandits font également des victimes dans le secteur du transport en commun. Ainsi, des passagers sont-ils enlevés ou rançonnés sur leur parcours sur le tronçon Pont –Sondé/Mirebalais.
“C’est compliqué car nous ne pouvons pas nous déplacer par crainte d’être victimes”, se désole Bethina, une résidente de Corridor (Deschapelles).
L’effroi a amené une grande partie de la population des zones ciblées à déserter leurs demeures vers d’autres endroits jugés plus calmes pour se mettre à l’abri.
C’est le cas de Rigaud, un jeune professionnel qui s’est réfugié à Désarmes avec sa femme et ses deux enfants.
“Je n’en peux plus’’. Je pense que l’État doit faire quelque chose”, lâche-t-il.
Les activités scolaires sont au point mort
A l’image des autres secteurs quasiment paralysés à cause de la terreur des bandits qui font parler la poudre à longueur de journée, les activités académiques sont anéanties à Liancourt comme aux Verrettes.
Les écoles gardent leurs portes fermées depuis l’assassinat de l’adolescent Alfred Fedins,10 ans. Cet élève de 4ème année fondamentale a été tué le 7 février dernier en pleine salle de classe.
En dépit des appels de détresse lancés par la population de la région et des promesses du nouveau directeur départemental de la PNH dans l’Artibonite, le commissaire divisionnaire Goodson Jeune, les commissariats en question restent orphelins de leurs occupants habituels. Ce qui est de nature à augmenter l’angoisse des habitants y compris la famille de Robert qui ne peuvent que prendre leur mal en patience.
P.S. Pour protéger l’identité des victimes, des noms d’emprunt ont été utilisés dans ce dossier.