Dans sa configuration actuelle, la MMSS est vouée à l’échec prévient le spécialiste en Géographie, Djems Olivier

Dans sa configuration actuelle, la MMSS est vouée à l’échec prévient le spécialiste en Géographie, Djems Olivier

Depuis le vote de la résolution 2699, le 2 octobre 2023, par le conseil de sécurité des Nations Unies, en vertu du Chapitre VII de la charte de l’organisation, pour le déploiement de la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti, de l’eau a coulé sous les ponts. Entre les tergiversations enregistrées de part et d’autre et les promesses non encore tenues des contributeurs, peu de progrès ont été opérés alors que sur le terrain la situation sécuritaire est allée de charybde en scylla. Les gangs ont été en démonstrations de forces constantes, prenant le pas sur un État totalement affaibli, incapable d’assumer ses pouvoirs régaliens. Plus que jamais le doute est permis sur la capacité de la mission que le Kenya est appelé à diriger face à l’ampleur de l’urgence.   

Port-au-Prince, le 17 mars 2024.-

Attaques de prisons pour faciliter de force l’élargissement de criminels dangereux, Incendies de Commissariats de Police, Saccages et pillages d’institutions publiques et entreprises privées, ces actes parmi tant d’autres ont été l’œuvre des gangs, ces dernières semaines, au nom d’une révolte soudaine pour déloger le gouvernement dirigé par le Premier ministre Ariel Henry. Dans le cadre de leur mouvement armé, les bandits ont poussé leur outrecuidance jusqu’à tirer sur des avions en stationnement à l’aéroport International Toussaint Louverture et à l’aérogare Guy Malary.

Djems Olivier, Docteur en Géographie

La réalité étant ce qu’elle est actuellement, il faut désormais envisager une réponse à sa dimension et donc repenser la Mission placée sous le leadership du Kenya insiste Djems Olivier, Docteur en Géographie.

« À mon avis, il faudrait revoir la configuration de cette mission, évaluer la compétence des pays composant cette force en matière de lutte contre les gangs. Je pense que les pays contributeurs de troupes qui ont donné leur aval n’ont pas la capacité technique et opérationnelle pour contrer ces gangs. Ils n’ont pas d’expérience dans ce type d’opérations ». 

Les considérations de l’expert sont basées sur une parfaite compréhension du mode opératoire des gangs qui se sont donné au fil du temps des moyens considérables pour arriver à défier les forces légales car bien avant cet épisode de leur intervention directe dans le champ politique, ils ont, à plusieurs reprises, mis en évidence leurs capacités déstabilisatrices en rythmant le cours de la violence notamment dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince.

« Les gangs sont devenus tellement puissants que pour les contrecarrer il faut des interventions de type militaire ». 

Dans le cas contraire, ce ne sera que pure perte de temps et la note pourrait se révéler encore plus salée avec la mobilisation de contingents inaptes passant totalement à côté de la plaque dans leur tentative d’aider les forces locales à travailler au rétablissement de l’ordre.

Mais comment parvenir à neutraliser ces groupes criminels ? 

« Je pense que deux choses sont possibles : soit on les affronte, soit on négocie avec eux. Si on les affronte, ça va provoquer des victimes collatérales. Et je ne pense pas que la communauté internationale veuille les affronter ».

Comme la plupart des observateurs de la détérioration du climat politico-sécuritaire du pays, le Dr en Géographie se pose pas mal de questions qui renvoient le plus souvent à des spéculations à défaut de réponses définitives. 

« Si cette communauté internationale est derrière eux – car on ne sait pas exactement pour qui ils travaillent – elle pourra peut-être leur demander d’observer une trêve pour faciliter la tenue des élections. A ce moment-là, le problème restera entier ; et au départ de cette énième mission on pourrait avoir les mêmes problèmes ».

« Dans tous les cas, la solution à cette vieille crise ne devrait pas être imposée aux Haïtiens ».

Haïti ne fait que s’enfoncer dans le chaos caractérisé par l’emprise des gangs sur l’État, poussé dans ses derniers retranchements malgré les annonces répétitives de ‘’ses amis’’ de voler à son secours. 

À bout de souffle, le pays attend la Mission promise. 

Par 13 voix pour et 2 abstentions (de la Chine et de la Fédération de Russie), le Conseil de sécurité des Nations Unies a finalement approuvé une résolution rédigée par les États-Unis et l’Équateur, d’envoyer une nouvelle force multinationale en Haïti pour une période de douze (12) mois, dirigée par le Kenya. La demande émanait du gouvernement (dorénavant démissionnaire) d’Ariel Henry qui sollicitait une mission d’appui à la PNH en vue de faire face aux gangs armés devenus de plus en plus arrogants dans la façon de faire parler leur puissance de feu.

Djems Olivier est chercheur postdoctoral à l’Université du Québec en Outaouais au Canada et détient actuellement la bourse postdoctorale MITACS Élévation pour son projet de recherche « Habiter les territoires de la violence à Port-au-Prince.

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