L’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti, un malade en mal de guérison

L’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti, un malade en mal de guérison

Dire que l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti, communément appelé « Hôpital général », est en très mauvaise santé relève d’un euphémisme. Le 12 janvier 2024 prochain marquera 14 ans depuis que le plus grand centre hospitalier du pays a été détruit par le séisme ravageur, occasionnant ainsi son fonctionnement au rabais. Certains services, tels le service anatomopathologie (spécialité médicale qui consiste à examiner les organes, les tissus ou les cellules, pour repérer et analyser des anomalies liées à une maladie) duquel dépend la chirurgie, le service hémato-oncologie (branche de l’hématologie qui s’intéresse aux cancers des cellules du sang et des organes qui les fabriquent) n’existent plus à l’HUEH depuis un certain temps. 

Certes, les travaux de reconstruction sont en voie d’achèvement, mais la date de l’inauguration du « nouvel hôpital » reste un mystère même pour ses responsables. Pour preuve, il y a cinq (5) mois depuis que le journal Le Nouvelliste avait appris de source officielle que la firme chargée de la reconstruction de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti a décidé d’arrêter les travaux à cause de l’insécurité qui bat son plein au centre-ville de Port-au-Prince. 

« Vingt-quatre (24) mois, c’est le temps minimum pour faire la transition à plusieurs niveaux, dont la gouvernance, la gestion des ressources humaines, la disponibilité des intrants… », avait déclaré en août dernier le Directeur Exécutif de l’HUEH, le Dr. Jude Milcé, dans une entrevue exclusive accordée au plus vieux quotidien du pays. En clair, deux ans, c’est le temps qu’il faudra pour que le pays puisse disposer enfin de son plus grand centre hospitalier ‘’reconstruit’’. 

Même si le numéro un de l’Hôpital général a témoigné un certain optimisme quant au respect de cette échéance, ses propos ne sont toutefois pas à prendre pour parole d’évangile, compte tenu de l’accélération de l’insécurité marquée par une volonté infaillible des gangs armés de gagner de plus en plus de territoires. Le doute est d’autant plus permis sur l’inauguration du nouveau bâtiment hospitalier que plus d’une fois elle (l’inauguration) a été reportée. « La dernière date annoncée pour l’inauguration de l’hôpital est la fin de cette année », avait confié le Docteur Jessie Colimon Adrien, Directrice Exécutive de l’HUEH au journal Le Nouvelliste en 2017. Niet !   

Panne de spécialistes

« Il reste actuellement peu de médecins anesthésistes en Haïti », s’est désolé le Docteur Jude Milcé, dans une entrevue accordée au média en ligne Ayibopost en avril 2023. Qui pis est, bien avant l’aggravation du phénomène de l’insécurité à partir de 2019, et l’arrivée du Programme Humanitarian Parole (Programme Biden), Haïti ne comptait plus de spécialiste dans des domaines tels que la rhumatologie, la médecine nucléaire ou la transplantation. 

Toujours selon le Directeur Exécutif de l’Hôpital de l’Université d’Haïti, également spécialiste en chirurgie vasculaire, le pays a perdu un grand nombre de chirurgiens, d’internistes et de pédiatres qui ont choisi de vivre sous d’autres cieux plus cléments, loin de la fureur régnante des bandits armés dont la corporation médicale en est l’une des cibles privilégiées. Le ‘’départ forcé’’ de ces professionnels patentés est un coup de massue pour le pays, compte tenu du fait que la grande majorité des médecins haïtiens aujourd’hui sont des généralistes sans spécialisations.

Panne de matériels  

« Beaucoup de matériels qu’on avait installés dans le nouveau bâtiment datent de sept (7) ans et plus. Ils sont défectueux avant même d’être utilisés. Il faut les remplacer. C’est le même constat pour la tuyauterie dans certains espaces. Voilà, qui explique en partie la prolongation du temps qui était fixé pour la finalisation des travaux », avait confié le Dr. Milcé au plus vieux quotidien du pays. 

Des sources proches de l’Hôpital général expliquent à Télégramme360 que certains problèmes demeurent persistants en dépit des promesses faites par la nouvelle Direction ; lesquelles promesses avaient mis fin à une grève des médecins résidents ayant duré plusieurs mois. En effet, l’HUEH fonctionne toujours au rabais, souffrant d’absence d’espaces de travail adéquats, d’où la prise en charge des patients est limitée. Des petites salles de consultation partagées par plusieurs médecins, des services installés dans des containers ou sous des tentes…, c’est un Hôpital général qui essaye de fonctionner au mieux dans ses structures temporaires et dont la reconstruction se fait dans la plus grande précarité. 

Cofinancée par la France et les Etats-Unis qui ont chacun mobilisé 25 millions de dollars dans le cadre d’un protocole d’accord paraphé avec l’Etat haïtien, la reconstruction de l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti détruit à plus de 50 % lors du tremblement de 2010, est d’une lenteur désespérante. 

Selon l’Agence Française de Développement (AFD), la reconstruction de l’HUEH est basée sur un nouveau concept conforme aux standards internationaux. L’ensemble des infrastructures nouvelles est construit sur une superficie de 5.7 hectares côté sud de la rue Saint-Honoré (Port-au-Prince), et comprend douze (12) bâtiments, une sous-station électrique, une station de traitement d’eau potable et une station d’épuration des eaux usées. 

Il s’agit donc de construire un centre hospitalier moderne de référence de niveau 3 avec une capacité de 534 lits, des bâtiments techniques, d’hospitalisation et de logistique. Entre l’insécurité persistante et les grèves à répétition de médecins insatisfaits de leurs conditions de vie et de fonctionnement, l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti est un malade dont la fin de la souffrance n’est, à l’évidence, pas pour demain.

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