Je me souviens d’il y à 20ans…

A travers cette initiative, Télégramme 360 se propose de vous aider à vous remémorer des souvenirs d’Haïti, vous replonger dans les trésors du passé et mettre en valeur votre Haïti à vous….

Les lecteurs et lectrices sont les principaux auteurs et autrices de cette rubrique à travers la publication de leurs tranches d’histoires personnelles, témoignages, anecdotes et autres qui nous ramènent des années en arrière…

Qu’il s’agisse de récits, de photographies de lieux, de vielles cartes postales, d’évènements banals ou extraordinaires, de faits d’importance historique ou de simples images de la vie quotidienne, prenez donc plaisir à revivre des émotions intenses en les partageant…

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Je me souviens de ces instants comme si c’était hier. Des moments dignes d’un conte de fée qui ont bercé mon enfance. Au fait, partout ailleurs, c’est tout à fait normal de pouvoir prendre du bon temps en famille, entre potes ou seul. Les parcs, places publiques, cinéma et autres lieux de loisirs sont là pour ça. Par contre, chez nous, dans notre chère Haïti, depuis quelques années, cela relève du luxe d’avoir un peu vécu dans le passé. 

Ainsi, je me souviens de la fin des années 90, où à l’aube de mes 10 ans, avec mon petit frère, nous savions arpenter les places publiques de la capitale.

Le week-end était pour nous un moment privilégié de la semaine. Nos rigoureux parents ne nous en imposaient qu’une seule règle ; mettre à jour nos leçons de la semaine en samedi, et le dimanche nous appartenait…

Par ailleurs, notre feu oncle Franck Jean Hilaire, qui malheureusement a été emporté par le séisme de 2010, était notre guide, notre ange gardien pour des balades les unes plus excitantes que les autres, week-end après week-end… 

Notre havre de paix, de joie, d’amour et de bienveillance était tantôt le champ de mars, tantôt la place d’Italie, tantôt la cathédrale de Port-au-Prince. 

Chaque instant passé dans ces lieux m’a laissé un souvenir immense et inouï. Je me souviens de ces carrosses multicolores qui défilaient sous les yeux émerveillés du petit garçon innocent que j’étais… Un seul tour dedans avec mon frère et mes cousins suffisaient amplement à embaumer nos cœurs d’enfants de joie et de pur bonheur. 

En matière de distraction et d’ambiances saines, nous étions dans l’embarras du choix. “Crème Bon”, “Tito”, “sapibon”, “ti kawòl”, “bonbons azò”, “bonbons amidon”, “bougonnen” en main, nous n’avions cessé de visiter encore et encore les moindres recoins de chaque place pour profiter de chaque numéro de marionnettes, de jambes de bois, entre autres.  Dans un tel climat, l’innocence de notre enfance pouvait même nous porter à croire que la mort n’était qu’un mythe. 

Je me souviens qu’entre les magnifiques jets d’eau qui retentissaient sur les différentes places du champ de mars, nous aimions nous faufiler pour être aux premières loges afin de pouvoir contempler différentes espèces de poissons aux couleurs vives.

Nous étions à chaque fois stupéfaits de tomber sur des crocodiles, des tortues, des serpents géants, des paons, des perroquets et bien d’autres splendides animaux.  Tout ça pour l’immense joie des bambins que nous étions et à qui le pays offrait encore la possibilité de s’épanouir sainement et en toute quiétude.

Sur la place d’Italie, j’apprenais à identifier les drapeaux. Et ces petits instants d’épreuves de connaissances générales au bicentenaire me permettaient de savoir que je maîtrisais deux, trois nouveaux trucs au cours de la semaine passée. Je me souviens de l’immense joie qui m’envahissait ce jour-là quand j’arrivais à nommer tous les drapeaux qui flottaient sur la place. Applaudi par mon oncle et les enfants, je me voyais grand jusqu’à m’auto déclarer “génie”. 

En outre, dans la famille, comme c’était le cas pour bon nombre de nos congénères, on n’a pas connu l’opulence.  Mais on grandissait avec la ferme conviction de n’avoir manqué de rien. On ne manquait de rien car on avait l’amour de nos parents et ces sites pleins d’amours qui n’attendaient que nous pour exulter notre joie de vivre…

Et malheureusement, aujourd’hui, un peu plus de vingt ans plus tard, ma fille de six ans ne connaît rien de tout cela. Elle n’a pas cette chance que nous avions dans le temps de pouvoir profiter des aires où il faisait bon de vivre, de ces espaces qui renforçaient les liens. Des moments qui avaient la magie de nous rendre particulièrement fiers d’être haïtiens. 

Plus de balades en famille ; les sites en question sont quasi inexistants. Ils sont soit détériorés ou impossibles d’accès à cause de l’insécurité. Toute une génération d’enfants se voit, hélas, obligée de grandir sans loisirs, sans contact physique entre paires, d’où l’appauvrissement des relations humaines. 

A quand la renaissance de notre chère Haïti ?

Quand est-ce que nos enfants pourront-ils laisser tomber les écrans pour partir en randonnée ou tout simplement aller aux parcs ?

Port-au-Prince, Haïti

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